La chaire industrielle

Remettre les sens au coeur de nos vies

La chaire industrielle SENSORIA a pour objectif de créer un tiers lieu de co-création d’environnements sensoriels augmentés. Notre recherche partenariat public-privé permettra de créer des principes de design pour optimiser l’impact des environnements immersifs mélangeant odeurs, sons et images. La chaire industrielle permettra alors de mettre en commun certaines compétences et connaissances de 6 partenaires de la région Hauts-de-France.

Notre ambition est de structurer un lieu de rencontre public-privé où pourront se côtoyer des étudiant·es, chercheur·euses et industriels pour tester des protocoles, produits ou services commerciaux dans des environnements multi-sensoriels, contrôlés en température et en humidité.

L'approche scientifique permettra de valider les choix sensoriels offrant alors un benchmarking des solutions tout en visant une stratégie de publications scientifiques. Ouvert au grand public, des séances créatives permettront de sensibiliser les citoyen·nes, c’est-à-dire les futur·es utilisateur·tricess, au rôle central des sens dans nos apprentissages et notre qualité de vie, notamment dans le domaine de l’économie du numérique et de l’image (e.g., gaming, e-santé et e-learning).

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Les environnements virtuels sont déjà solidement ancrés dans notre vie quotidienne et leur présence est destinée à s'accroître encore davantage. Les géants de la tech, tels que les GAFAM, se sont presque tous lancés dans diverses initiatives visant à créer ou à fédérer un "métavers," un monde virtuel où nous pouvons agir et interagir au moyen d'avatars. Cette volonté d'explorer le métavers est également partagée par le gouvernement français, qui a sollicité plusieurs acteur·trices pour produire un rapport sur l'état actuel du métavers et de son impact sur l’humain.

Les bouleversements que le métavers s'apprête à introduire dans la vie des citoyen·nes sont nombreux et profonds. On peut, par exemple, s'interroger sur la manière dont les individus percevrons leur propre corps à travers un avatar. La possibilité de choisir l'apparence de notre avatar pourrait potentiellement influencer nos choix de vie, nos comportements et même engendrer des stigmatisations liées à certaines formes d'avatar en fonction de règles socio-culturelles d’un groupe.

Cependant, les transformations induites par le métavers vont bien au-delà de ces considérations. De nombreuses questions émergent auxquelles nous n'avons pas encore de réponses claires : Comment une personne apprend-elle dans un environnement sensoriel augmenté ? Comment évaluer la santé mentale au travers d'un avatar dénué de corps physique ? L'empathie et les interactions sociales seront-elles gouvernées par des principes sociétaux ou cognitifs dans un monde dépourvu d'odeurs et de croisement de regard ?

Il est possible que les environnements virtuels pourraient d’ailleurs tout à fait rompre avec la réalité sensorielle de notre monde. Pour donner un exemple simple, l’individu pourrait toucher une rose bleue ayant un parfum de melon. Comment réagira l'être humain, avec son bagage de souvenirs et d'expériences passées, face à de tels percepts inattendus ?

Pour trouver des réponses à ces interrogations, il est impératif que les entreprises, créateurs de produits et de services innovants, s’appuient sur les avancées et les connaissances de la recherche scientifique. La richesse du monde académique est sans limite avec des théories et des méthodologies aussi diverses que le nombre de laboratoires de recherche. Cette richesse scientifique est néanmoins difficile d’ouvrir et de partager avec les acteur·trices économiques puisqu’elle est souvent confinée dans des laboratoires isolés sur des campus universitaires. D’un autre côté, le besoin aujourd’hui des entreprises est de trouver les experts scientifiques intéressés à croiser les regards et compétences autour d’une problématique ciblée.

Recruter de façon rapide et efficace la bonne personne avec les bonnes compétences scientifiques peut aussi relever de grandes difficultés lorsque l’entreprise ne connait pas l’organisation du monde universitaire. Enfin, la réglementation autour de l’éthique et de la gestion des données humaines est en constante évolution, rendant le travail de recherche appliquée de plus en plus difficile, notamment pour les petites entreprises n’ayant pas les ressources pour recruter des juristes ou former à la RGPD en interne.

La chaire industrielle SENSORIA vise donc à créer un lieu de rencontre pour mettre en commun des moyens humains, techniques et de connaissances scientifiques venant du monde académique et du monde de l’entreprise pour ensemble mieux comprendre comment l’humain réagit dans un environnement sensoriel augmenté.

 

Les émotions, les motivations et d'autres processus affectifs ont sans aucun doute un impact sur notre façon de penser et de nous comporter. Ce constat a marqué la transition pour les sciences psychologiques de l’ère du cognitivisme à la nouvelle ère de l’affectivisme (Dukes et al., 2021). Au lieu de penser le corps comme réagissant à des commandes venant du cerveau, l'affectivisme a pour objectif de considérer les états affectifs de l’individu comme la véritable source de prise de décision et de changements comportementaux (Feldman-Barrett).

Les états affectifs jouent un rôle clé pour la décision comportementale, en fournissant aux individus les informations intéroceptives nécessaires à la modulation du comportement en fonction des contraintes environnementales. La sensation de soif déclenche la pensée qu'il faut peut-être boire pour ne pas se déshydrater, notamment en temps de forte chaleur ; la sensation de chaleur indique qu'il faut se dévêtir ou marcher moins vite pour éviter de commencer à transpirer et à sentir mauvais.

Bien que récemment reconsidérée, l'idée que les états affectifs influencent les ajustements comportementaux découle de l'ouvrage fondateur de Charles Darwin, On the Origin of Species (Darwin, 1909). La théorie de l'évolution a conduit à des avancées majeures dans la compréhension des trajectoires évolutives de toutes les espèces et aussi de comment et pourquoi les émotions sont si vitales pour l'espèce humaine. Malheureusement, notre monde évolue trop vite pour une adaptation spontanée.

Les gens ont du mal à savoir ce qui est nécessaire pour mener une vie équilibrée, active et heureuse, et donc d’avoir une bonne qualité de vie. Les facteurs de stress sont multiples et de plus, les environnements sensoriels, et donc les sources d’informations nécessaire au corps, ne sont pas adaptés à nos besoins à chaque moment précis de la journée. Le monde de la décoration d'intérieur se concentre sur le bien-vivre dans des environnements doux et confortables. Mais de tels artefacts sensoriels ne sont peut-être pas les meilleurs pour inciter une personne à sortir du lit ou à mobiliser ses énergies pour se concentrer et apprendre.

Situé à l'ère de l'affectivisme, notre projet sera de développer un programme de recherche autour des environnements visuo-audio-olfactifs pour accompagner les individus à la découverte du plaisir de l'effort.

Fort des connaissances acquises lors du programme de recherche nominé par l'Institut Universitaire de France et attribué à la Professeure Yvonne N. Delevoye-Turrell (membre senior 2023), le projet de la chaire industrielle sera d'augmenter l’impact de cette recherche fondamentale dans la formation des jeunes talents et dans l'innovation, deux points essentiels pour accélérer le développement économique et territorial de la région des Hauts de France.

L'objectif socio-économique est de permettre aux entreprises partenaires mais également aux autres entreprises de la région de mener des recherches appliquées de qualité plus rapidement et avec une meilleure qualité scientifique. Notamment, à la fin des 3 ans de projet, le consortium publiera des manuels de bonnes pratiques pour guider les jeunes startups à faire les bons choix d'équipements et de plateforme numérique, de réaliser des études en respectant les réglementations éthiques et CNIL qui sont continuellement en évolution. Enfin, l'objectif du tiers lieu scientifique est de créer un lieu de processus de design scientifique bénéficiant de méthodes expérimentales validées, et de partager les outils de collecte, de traitement, et d'analyse des données humaines. Ce lieu permettra également de faciliter le recrutement de jeunes talents et de participant·es (de par la proximité avec l'université), en offrant un pool d'experts dans diverses disciplines scientifiques autour de l'humain dont la psychologie, les neurosciences, la data science, l'analyses de données physiologiques et cérébrales, la biomécanique. Ce tiers lieu sera ainsi un catalyseur de rencontres, de recrutements et donc d'innovations.

L'objectif méthodologique sera de créer de la connaissance qui sera partagée au sein du consortium mais également transférée aux étudiant·es et jeunes chercheur·euses de la région, et vulgarisée auprès des citoyen·nes intéressé·es. Le transfert sera réalisé notamment grâce l'adossement du projet au laboratoire SCALAB et au Graduate School de l'Université de Lille (HUB3). La rupture marquante sera néanmoins l'application des principes de Design Thinking pour la recherche scientifique.

L'objectif scientifique de la chaire SENSORIA est de créer un tier lieu scientifique, c'est-à-dire un lieu de connaissances et de compétences unique au monde permettant la bonne conduite d'études sensorielles en réalité augmentée à haut impact scientifique. L’outil imaginé, créé et développé par le consortium SENSORIA pour ses études sera un Dôme dans lequel seront implémentés des environnements multisensoriels incluant des odeurs, des sons, et des images, et dans lesquels les utilisateur·trices sont libres de bouger. Notamment, nous nous intéresserons à des tâches proches de celles réalisées au quotidien qui sont exigeantes tant sur le plan cognitif (lecture, écoute d’audios/podcasts, travail sur écran) que physique (posture debout et piétinement pendant de longues périodes, marche ou vélo sur tapis).

Ces multiples objectifs seront atteints grâce au soutien technologique de la FR2052, du dynamisme de la formation master en alternance (Master Sciences Cognitives de l'Université de Lille - Graduate School IKS), et surtout de 8 ans d’expérience de travaux interdisciplinaires menés par Y. N. Delevoye-Turrell (SCALab) autour de la thématique Plaisir perçu et Effort produit chez les jeunes adultes de la région Hauts de France. Les retombées des travaux réalisés dans le cadre du projet permettront de renforcer (1) le tissu régional collaboratif public-privé ; (2) les collaborations transdisciplinaires entre SHS, TICS, Chimie et les Science de la donnée ; (3) le rayonnement de notre région comme leader international dans le domaine des sciences affectives et de la réalité augmentée. La chaire industrielle SENSORIA sera accueillie au sein de la Plaine Image.